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Morille conique - Morchella conica, Château-Bernard, Isère, le 29 avril 2006
Les festivités mycologiques redoublent d'intensité en montagne, après une récolte décevante en plaine. Nous avons eu la chance d'en trouver une quarantaine de ce gabarit-là, chapeaux pointus perçant l'humus d'une haie pentue. Joie des yeux, joie du ventre ! La conique est la meilleure des trois espèces de morilles, la plus parfumée, la plus somptueuse au palais. A la crème, avec un bourgogne, je ne vous dis que ça.
Pals, Espagne, le 16 avril 2006
[doigts de la main qu’un jour par mégarde on laissa s’emparer d’un miroir, branches d’une étoile de mer échouée dans le varech, sens uniques de la vie, colonnes à la Une du temple de l’ORTF, Jean-Claude Bourret à la bière, nombre pyramide (1² + 2²), roues du carrosse, Chanel, pénis, je vous reçois bien.]
Je ne vais plus tellement avoir le temps d’écrire ici ces prochaines semaines. D’importants projets professionnels vont me faire noircir d’autres carnets. Provisoirement fatigué aussi de narrer le pas grand-chose, je mets un point(illé) d’inflexion dans l’activité bloguesque. Ce n'est pas un point de suspension. C'est Avant La Lettre presque sans Lettre, comme Avant (au tout début). Je laisserai ici éclore des images muettes, ou commentées a minima, n’hésitez pas, si ça vous chante, à faire cheminer votre encre sous le cadre.
Montvendre, Drôme, le 23 avril 2006
Il n’est pas toujours aisé de comprendre ce qui nous attache à certains lieux, pas plus que d’expliquer comment, à ces charmes légers de la promenade, se substitue un plaisir plus ancré, comment enfin, d’un imprévu ou du hasard des pas, une alliance durable peut se nouer. J’ai souvent marché sous des nuages imbus, grisés d’eux-mêmes, marché à ne savoir qu’attendre de ces ruelles de sommeil, de ces arbres engourdis. Et puis soudain l’ingénuité du monde éclate ici, dans les feuilles tremblées, et là, entre des pierres qui n’existaient presque plus à force de rester immobiles. Il n’est plus rien alors qui ne s’adresse aux sens dans sa magnifique candeur. Tout se pare d’une grâce vive et longue et s’empare du cœur comme un serpent chaud s’enroule autour de son caducée.
Guêpe poliste - Polistes gallicus, Montvendre, Drôme, le 23 avril 2006
Tous les berceaux du monde sont bordés de tendresse. De cette tendresse, farine d’astres, qui traverse les apparences, soude le temps et chaule les peurs.
Morille grise - Morchella esculenta, Goncelin, Isère, le 20 avril 2006
J’ai mis quelques années avant de trouver mes premières morilles. Plusieurs printemps infructueux, jusqu'en avril 1983 et un peu par hasard, à l’endroit même où fut prise cette photo. Depuis, tous les mois d’avril ont garni mes paniers de ces petites éponges à gros trous. Avec des fortunes diverses d’une année à l’autre : la morille est un champignon des plus capricieux. Et tellement recherché! Hier soir, nous passâmes, mon frère et moi, bien après d’autres écumeurs des haies. Notre chiche cueillette fut heureusement rehaussée par de belles rencontres, dont un chevreuil, des salamandres, des orchidées et une famille d’une trentaine de mouflons. Magique morille, qui, telle la lampe d’Aladin, fait jaillir des merveilles du fond de ses alvéoles !
Guêpier d'Europe - Merops apiaster, Albons, Espagne, le 16 avril 2006
Sur la terre béante et dévastée, la flamme renaît déjà. Un rêve en couleurs se perche sur l’épaule nue du monde. De retour d’Afrique, le guêpier rassemble ses troupes sur les affleurements sableux de nos contrées. Les falaises de chair tendre qu’il fore pour y glisser ses couvées sont souvent les parois des carrières creusées par l’homme. Même si ses populations restent soumises aux mouvements des exploitations, l’espèce est plutôt en expansion. Un oiseau exotique, vives parures, musique roulée, vol d’ange, réussit à coloniser de nouvelles terres grâce à nos activités. L’homme et l’animal peuvent échanger leurs éclats, de pierre et de feu, sans dommage ni victime. Nous n’allons pas refuser une bonne nouvelle comme celle-là.
(Ophrys guêpe - Ophrys tenthredinifera, L'Escala, Espagne, le 15 avril 06)
Quatre semaines se sont écoulées depuis notre précédente escapade dans la garrigue catalane. L’air s’est réchauffé. Il scintille maintenant d’une fine poudre d’or, paillettes de soleil et de pollen qui gonflent en nuages à notre passage dans les fourrés. Les pas font craquer les brindilles sèches et les aiguilles des pins amassées par les pingres tramontanes de l’hiver. Les orchidées repérées le mois dernier sont toutes fanées et d’autres espèces leur succèdent, vite, si vite que certaines, écloses en notre absence, se sont déjà éteintes. Les ophrys guêpes seront parmi les dernières fleurs à éclater au maquis. Leurs couleurs intenses ont la fragilité des arcs-en-ciel après la pluie.
(Je prépare un album-photo sur les orchidées de l’Ampurdan, fruit de quatre séjours en deux ans dans cette belle région. Il sera publié dans la colonne de droite d’ici une dizaine de jours.)
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