A l’arrière des taxis, sur les bancs publics ou contre le mur des usines, c’est toujours le même baiser. Mémoire heureuse de la langue, qui assure la continuité des dialogues quand la bouche est pleine et l’oreille sourde, le baiser excite, exalte, expie, instille. Le baiser est un monde en soi, peuplé de mystères et d’incertitudes, un monde sans horloge ni lave-vaisselle. Le baiser n’a pas besoin de Nicolas ni de Ségolène pour se transmettre en 2007 et au-delà. Le baiser n’a pas de nom, d’ailleurs il ne s’appelle pas. Il reste libre de droits et ne coûte généralement pas plus cher que quelques battements de cœur. Le baiser se méfie des postures et déjoue les circonstances. Il est universel et détaxé, il prend une patinette pour sillonner les rues mais traverse le ciel sans kérosène. On pourrait le comparer à la prière quand il s’attarde au bord des lèvres et fait plisser les yeux, mais il n’a pas de chapelle et ne se confessera jamais. Finalement, le baiser est un silence. Pas le silence d’un oiseau, non, plutôt celui des arbres, juste avant le chant des premières feuilles sous la pluie tiède. Avril en octobre, c’est la magie du baiser, mélancolique et joyeux à la fois, qui défie les saisons et les âges et les messes. En baskets ou en talons aiguilles, qu’importe les galoches : le baiser court à travers le monde pour dire aux enfants de faire des dessins, aux vieillards d’écrire des romans et à l’amour de réinventer la vie.
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