(Isla de los Pajaros, Peninsula Valdes, Argentine, le 24 août 06)
C’est tout au bout du monde, ou l’impression qu’on en a. Un monde en état d’équilibre, son rivage indéterminé, presque sans repère, jardiné par le râteau du vent et la vague patiente. Ici nulle tempête. L’océan ne gronde pas, il se coule entre des rochers qui s’écartent pour lui, se réchauffe un peu dans l’anse avec les baleines et reste là. Le papa d’un petit prince a survolé l’endroit maintes fois au début des années 1930. Il s’est laissé inspirer par la vastitude de la toile bleue. L’île au milieu de la baie lui a soufflé une histoire de boa qui dévore un éléphant… Un point à fixer au devant des jours, mais qu’on s’efforcera de ne jamais atteindre. D’ailleurs on ne foule cette île qu’avec le rêve. Elle abrite une colonie de 500 manchots de Magellan.
Le décor m’a rappelé aussi une bien vieille rengaine - griffonnée dans ma dix-huitième année.
Un tout petit bout de terre avec une dune
Et trois arbres minces que le vent berce à peine
Enlacé par la mer, adoré par Neptune
Que je vois s’amuser sur le dos des baleines.
Quelques vagues timides aux reflets de tulle
Ourlent le sable de mon île…
Quand le soleil a laissé fondre tout son cuivre
Et s’est agenouillé pour cueillir des rayons,
Je m’étends sur la plage et je ris à poursuivre
Dans des songes très sages un frêle agrion.
Comme hier au berceau je referme mes poings :
« Regarde, maman, c’est mon île ! »
Parfois si le silence est trop grand je m’en vais
Poser mes pieds nus sur les chaos bleus et roses
Là, frégates et fous, gardiens de ma ferté,
M’offrent en ricanant quelques secrets en prose.
Comme un poète enfant qui se cherche des ailes,
Je m’élance du haut de l’île…Un tout petit bout de terre avec une dune
Et trois arbres minces que le vent berce à peine
Enlacé par ma mère, adoré de Neptune
Que je voudrais tant voir amuser mes baleines.
Quelques vagues timides sur la vie qui dort
- Emportent mon âme docile…
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