(Venon, Isère, le 19 nov. 06)
Prenez la route de Grenoble sur deux kilomètres en direction de Murianette. Au bourg, tournez à gauche et grimpez à l’assaut des collines, par les lacets étroits qui bouclent les bois de châtaigniers tout défaits. Dépassez les vignes des Jacques, suivez le panneau indiquant Le Japin. Il y a des vieilles fermes encore ici, avec des toits en lauze et des pierres apparentes. Des dames avec des blouses en nylon bleu portent du bois dans la cour sous les grincements des corneilles. Ne vous arrêtez pas encore. Traversez les prairies pentues. La route descend un peu, coupe un ruisseau puis remonte. Vous voilà arrivés à un petit col, ça s’appelle Pressembois. Là à droite, des maisons plutôt modernes complotent pour se tenir chaud pendant l’hiver. La carte indique 600 mètres d’altitude. Filez par le chemin de terre qui court entre les maisons. Cernez le pied de la colline jusqu’à dominer la vallée. Le belvédère sur Grenoble est inquiétant sous la pluie. Ne vous attardez pas sur ce béton gris qui gangrène tout le Grésivaudan. Regardez en haut. Passez sous la clôture, dites bonjour aux vaches et grimpez au sommet du mamelon.
Il a surgi.
Vous y êtes.
Cet arbre-là, je le vois depuis tout en bas, chaque jour depuis sept ans. Seul, exilé sur son île à la rotondité parfaite. Un chêne aux branches diffractées en éventail, exposé à tous les temps, toutes les vagues, et qui résiste. Je n’étais encore jamais monté lui rendre visite. Je ne savais même pas que c’était un chêne. Rugueux, veiné et un peu âpre de près. Silencieux même au vent, le fruit prodigue, l’écorce pleine de songes anciens. Un point idéal pour soulever le monde.
Seule la nuit vous poussera à redescendre.
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