(Rissani, Maroc, le 15 avril 05)
Quelque part, au milieu du voyage, elle lui avait dit qu’elle voulait bien qu’il l’embrasse. C’était dans un endroit plein d’ombre et de reflets, qui semblait à l’abri du temps. Rempli de silences et de bruissements, de mouches et de cascades. L’odeur chaude des épices remuait le ventre et sa main à elle soudain sur sa hanche à lui attisa une lueur. « Je veux bien que tu m’embrasses », comme l’enfant qui réclame son obole de tendresse. Et il l’avait embrassée, d’un baiser furtif sur le front d’abord, pour appeler sa bouche ensuite. Les arômes mélangés de myrte et de coriandre piquaient la langue. Ils soulevaient les épaules, infusaient les salives, traversaient les souffles. Un instant que l’émotion suspend et efface un peu. Ce soir, l’homme se frotte le crâne. Il n’a plus la ressource. Il a perdu le cœur. De sa fenêtre, une chapelle dont on voit à peine la ruine. Une photo punaisée, un cendrier plein. Les clichés du vide. Il repense au dédale bleu des jours semés derrière lui. Impossible de retrouver le chemin dedans.
« Ma mémoire oppose sans cesse mes voyages à mes voyages, montagnes à montagnes, fleuves à fleuves, forêts à forêts, et ma vie détruit ma vie. Même chose m’arrive à l’égard des sociétés et des hommes. » Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe
Les commentaires récents