(Montvendre, Drôme, le 21 oct. 06)
La vie devrait s’imposer partout, dans nos lits, dans nos rues et jusqu’au ciel - pour le remplir enfin. Ce sont pourtant des pulsions noires qui continuent de défigurer les jardins de France.
Je découvrais, dans mes promenades bucoliques du printemps 1997, un chapelet de mares abritant plusieurs espèces d’amphibiens. Un endroit paisible au cœur du département de l’Isère, près du petit village de Commelle. De retour là-bas l’année suivante, il me fallait déjà troquer mon doux souvenir contre une vision d’horreur : des bulldozers étaient en train de massacrer les lieux. Vite alertées, les associations de protection de la nature allaient s'engager dans de longs pourparlers avec les propriétaires et le maire de la commune, s’efforçant de les sensibiliser à la nécessité de conserver les habitants des mares restantes. Parmi eux, le triton crêté est une espèce patrimoniale protégée à l’échelle européenne. Qui l’a vu un jour danser sous l’onde, paré de ses vives couleurs et de sa haute crête de dinosaure, ne peut plus oublier ce magnifique animal. Plusieurs scénarios avaient été dessinés pour le sauver, depuis la protection du site pour apprendre aux enfants jusqu’au transfert des pensionnaires dans des mares creusées dans les prés voisins. Huit années se sont écoulées, huit ans d’atermoiements, d’espoirs et de brusques remises en question. J’ai appris hier que le propriétaire avait lâché durant l’été ses fauves de métal et de fureur pour combler les derniers trous d’eau. Il ne reste de ce lieu autrefois riant qu’un immense terrain vague, promis à un lotissement ou à un champ de maïs. Bien sûr, les associations viennent de porter plainte pour destruction d’espèce protégée. Mais les tritons n’existent plus, et avec eux sont morts les libellules, les chants d’oiseaux et les rêves.
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