(Prairie humide de Saint-Guillaume, unique refuge du triton crêté dans le Vercors, Isère, le 11 juin 03)
Le Centre ornithologique Rhône-Alpes organisait aujourd’hui un colloque à Grenoble sur un animal dont j’ai déjà parlé ici, le triton crêté. L’événement a réuni des spécialistes de la France entière, mais aussi de Suisse et d’Italie, pour faire le point sur cette espèce sensible et échanger sur les bonnes pratiques de conservation. Différents exposés ont rappelé l’importance primordiale du petit animal dans nos campagnes, une espèce dont les strictes exigences écologiques en ont fait un indicateur de la bonne santé du milieu naturel. Une espèce dite aussi « parapluie » parce qu’à sa présence sur un site donné est toujours associée celle d’une grand nombre d’autres animaux et plantes.
J’ai été surpris, et aussi rassuré, par la passion que déclenche cet amphibien. Des énergies se mobilisent un peu partout, dans le tissu associatif, pour alerter les collectivités de la nécessité d'accroître sa protection. Elles le font encore souvent à perte, quand les élus locaux, dont l’autorité s’est renforcée avec la décentralisation, préfèrent trancher en faveur d’intérêts particuliers et électoralistes au mépris des lois en vigueur. Sans attendre les confrontations devant les tribunaux, certaines associations déploient des trésors d’inventivité pour sensibiliser les populations. Une association normande a fait imprimer des tee-shirts à l’effigie du triton crêté avec la mention « Nous sommes de la même planète ». Une autre, dans la région parisienne, a organisé des concours de danse « du triton crêté » avec les écoles, dans un quartier sensible proche d’un chapelet de mares protégées.
Je le crois aussi, c’est par la pédagogie et la valorisation du beau qu’on arrivera peut-être, d’ici une ou deux générations, à faire souffler le vent du bon côté. Il demeure un problème de taille à traiter à court terme : expliquer ce qu’est la biodiversité autrement qu’en termes techniques et prouver en quoi chacun trouvera en elle un intérêt supérieur à la rentabilité financière de son pré. C’est cette lacune culturelle, et peut-être cultuelle (peut-on s’attacher durablement à la nature sans lui accorder une valeur spirituelle ?) qui continue de détrousser nos campagnes. Au moment même où je termine ces lignes, une chouette hulotte est perchée dans le grand frêne derrière moi. Elle chante, chante et s’égosille comme jamais.
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