
(Montbonnot-Saint-Martin, Isère, le 30 nov. 06)
Nicolas Hulot était hier soir en conférence-débat à
l’Inria de Montbonnot, près de Grenoble. Devant un parterre de chefs
d’entreprises de la technopole Inovallée, le candidat potentiel à l’élection
présidentielle a prononcé un discours largement basé sur le constat d’une
planète en déshérence, relayant un film introductif au contenu plus
sensibilisateur qu’informatif. L’ombre d’Al Gore a souvent plané dans son
diagnostic pour le moins alarmiste sur le réchauffement climatique et
l’épuisement des ressources, qui mélangeait chiffres d’experts et anecdotes
personnelles glanées au cours de ses voyages. Contrairement à des critiques
précédemment formulées par les Verts (je me souviens notamment d’un éditorial
plutôt crispé de Noël Mamère en août dernier dans le Monde), le volet social
n’était pas absent du discours, il était même régulièrement replacé au centre.
« L’écologie n’est pas une préoccupation de riches, c’est un devoir des
riches pour les plus pauvres, qui sont une fois de plus aux premières loges du
désastre ».
Sur un terrain plus neuf, et ce fut la seconde partie de son
intervention, Nicolas Hulot a aussi asséné un certain nombre de propositions
d’action pour un vrai développement durable. Il a prôné, et Ségolène Royal
appréciera, l’accès à une vraie démocratie participative, « pas celle qui
consiste à discuter sur des décisions déjà prises » mais celle qui
considère l’individu comme force de proposition. Une autre mesure-phare,
l’allègement de la fiscalité sur le travail et « son déplacement sur les
biens de consommation et les services à fort impact énergétique », a
suscité des mouvements d’approbation dans la foule des dirigeants. L’animateur télé s’est montré encore plus rassurant en vantant
les bienfaits de la croissance (« pour l’emploi et la réduction des
inégalités sociales »). Quitte à se fendre d’une légère distorsion plus
tard, quand il insistera sur une « société de modération à construire
ensemble » et la nécessité de « consommer moins et mieux pour
combattre la civilisation du gâchis ». Des modèles économiques qui
réussissent à associer croissance et moindre consommation
existent-ils vraiment ?
En tous cas, Nicolas Hulot s’affiche clairement
pour une écologie inscrite au cœur du système actuel, sans l’affronter. Nullement
révolutionnaire, mais attaché à trouver, en particulier par « des choix
technologiques », un équilibre entre développement et protection du
vivant, « faire que les flux économiques n’entraînent pas la diminution
des flux de matières et de ressources ». A la sortie de la conférence, un
dirigeant d’entreprise était conquis : « Il n’est ni de droite ni de
gauche et c’est cela qui est intéressant, c’est un pragmatique, un réaliste,
qui sait regarder les choses ».
Bloc-notes des petites phrases :
« Il a fallu beaucoup de temps pour que le diagnostic
soit partagé. L’étape de la prise de conscience est enfin franchie. On observe
maintenant un effet de seuil : l’identification des problèmes ne vaut pas
leur règlement ».
« Il faut un respect de la vie sous toutes ses
formes. Cela passe par une solidarité de l’espace, c’est-à-dire avec les pays
du Sud, une solidarité avec le vivant et enfin une solidarité avec le
futur ».
« Nous avons le devoir de construire un nouveau
capital de valeurs, sous peine de faire voler en éclats nos vernis démocratiques ».
« Nous avons deux choix : laisser le temps nous
dicter la mutation ou saisir l’opportunité de la mutation écologique. Dans les
deux cas, le monde de demain sera radicalement différent, de gré ou de force. »
« Une civilisation ne peut être contrainte à faire le
tri des larmes : les larmes de demain ne valent pas plus que celles
d’aujourd’hui ».
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