Puerto Madryn, Argentine, le 24 août 2006
J'écris. Toute la journée, j'écris, j'écris ou bien je gratte l'info, ma matière pour écrire, écrire toujours davantage, pour remplir des pages Word. Belles pages scintillantes qui éclairent mes longues soirées des quatre saisons. J'en ai des kilomètres, des pages, devant, derrière et au-dessus, et j'y perds un peu ma trace, à force d'entasser. Des articles à rendre la veille, d'autres qui ne seront pas publiés avant trois mois, on ne s'en souviendra plus d'ici là et on sera déjà sur les numéros de Noël, on en deviendrait zinzin, mais peu importe, toujours écrire, manière de rappeler qu'on vit. Mon métier, c'est noircir des angoisses blanches.
Certains appellent ça de la pisse-copie. C'est assez juste au fond : il y a souvent une envie pressante qui domine celui qui écrit. Besoin d'arroser une page, lui planter des mots justes et des phrases ciselées pour donner le goût de lire. Je me retiens parfois d'écrire un article jusqu'à la dernière minute pour concentrer le tir et alors tout vient en urgence, d'une traite, d'un jet, souvent le plus acéré.
Mais il y a la solitude aussi. On est tout seul à signer l'article au bas de la page. Personne pour aider à trouver le mot qui échappe, personne pour discuter de l'angle du sujet. Une solitude subie qui rejoint la solitude qu'on s'impose : do not disturb. Ne pas déranger celui qui écrit, sous peine de perdre le fil de l'inspiration. D'ailleurs, essayez de vous retenir de pisser en plein soulagement, vous verrez comme c'est désagréable.
"Pas de prime de risque pour la déprime dans mon métier
Non, pas de cadeau, pas de coup d'éponge,
Comme un cheval aveugle
Poussé dans un terrain miné
Tu fais un faux pas tu plonges...
Drôle de métier, drôle de métier
Y a des soirs où faut avoir le moral
Et le cœur bien accroché..."
(Johnny Hallyday, Drôle de métier)
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