criée du port de San Carlos de la Rapita, Espagne, le 30 déc. 03
La seule fois de ma vie où j’ai vu des Thons
rouges, c’était en 1972, sur le port de l’Escala, en Espagne. Les
marins-pêcheurs en débarquaient quelques-uns sur le quai. Des poissons
magnifiques, que l’on tranchait vivants sous mes yeux d’enfant. A cette époque,
la pêche locale était encore artisanale et personne ne se préoccupait de l’état
de ces fameux « stocks » (mot horrible quand il sert à décrire des
êtres vivants). L’Espagne est l’un des principaux pays thoniers, au même titre
que l’Italie et la France, qui prélèvent le Thon rouge dans des proportions
telles que l’espèce est aujourd’hui gravement menacée d’extinction. Les scientifiques
estiment qu'une pêche de plus de 15 000 Thons rouges par an amènerait l’animal
à la catastrophe à moyen terme. Or, aujourd’hui les thoniers en prélèvent plus
de 50 000... Et ce chiffre n’inclut pas les prises illégales, notamment
celles effectuées à l’occasion des mattanzas, une tradition barbare qui
persiste en Italie. Ni les captures "sous le manteau" des plus petits spécimens, destinés à être engraissés dans des fermes marines. Déjà empêtrée dans la crise du Cabillaud, l’Europe ferme encore les yeux sur le Thon, alors
même que de leur côté les Etats-Unis et le Canada ont demandé un moratoire. Les sirènes outre-atlantiques ne troublent pas les matins calmes du pays du Soleil Levant : le Japon, particulièrement friand de Thon rouge, continue d'encourager la
surexploitation. Gourmandise meurtrière à Sashimiland, dont les pêcheurs du bassin
méditerranéen seront victimes tôt ou tard, quand la mer sera vidée de ses derniers poissons. La conférence annuelle
du Comité international pour la gestion du Thon s’est tenue la
semaine dernière. On attendait une baisse a minima de 10 % des captures. Le WWF avait
même demandé une suspension de trois ans pour donner aux effectifs une chance
de se reconstituer en partie. La tentation du gain à courte vue en a décidé autrement. Les quotas fixés pour 2008 sont identiques à ceux
de cette année. Pire encore : le Japon a obtenu l'accord du Comité international
pour organiser en mars prochain une réunion des marchands et des thoniers. Ce grand
banquet pourrait se conclure par la privatisation du dispositif des décisions
de pêche, coupant l'herbe sous le pied d'une Union européenne qui tarde à s'engager dans une gestion durable des ressources. Compléments d'infos : voir Greenpeace.
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