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15 janvier 2009 dans gris, République Tchèque | Lien permanent | Commentaires (32) | TrackBack (0)
plage de l'Estartit inondée après la tempête, décembre 2008
Facebook est une formidable machine à nostalgie. Le dernier réseau branché du Web m’a reconnecté à quelques-unes de mes ex, sur l’air vaporeux et vaguement rassurant de « non, je n’ai rien oublié ». L’écran m’a aussi rapproché de mes anciens amis de vacances, ceux de l’autre vie. C’était il y a quinze ou vingt ans, et ce temps filé sans nous semble s’être soudain raccourci. Des enfants sont nés, des carrières se sont construites et pourtant c’est ce passé si loin si proche qui anime l’essentiel de nos discussions. Il y a comme un besoin de ressouder l’énergie et le désordre de ces années à un présent peut-être un peu trop sage ou trop responsable.
Chacun semble avoir précieusement gardé ses souvenirs (presque toujours étiquetés d’un prénom féminin), et c’est un plaisir immense qui s’annonce à l’idée de les partager. Des projets s’allument : se revoir tous ensemble, faire la fête, retourner sur la Costa Brava dans cette fameuse discothèque qui fut notre QG, et puis, et puis… La musique aura-t-elle changé, la sono ne sera pas trop forte ? Les serveuses au bar nous feront-elles encore cadeau de quelques verres de tequila-gin-vodka ? Ne verra-t-on pas briller des lumières étranges dans les regards croisés ? Et cette pénombre à l’heure des slows ne sera-t-elle pas la bienvenue pour cacher ces défaites qu’hier nous n’imaginions même pas ?
13 janvier 2009 dans Espagne, jaune | Lien permanent | Commentaires (15) | TrackBack (0)
Jour de tempête, L'Estartit et les Iles Medes, Catalunya, le 26 décembre 2008
Il y a des moments de notre vie qu'on ne réussit pas à vivre à temps. Ils nous échappent parce que l’esprit était occupé
ailleurs, parce que le cœur n’y était pas préparé. A l’instant précis où l’on
aurait dû s’émouvoir, la plaque sensible n’a pas fonctionné. Même le souvenir
reste imprécis. Il est seulement resté l’écho d’un cri face auquel tout rappel
reste vain. On se retourne, on fouille le sable autour de ses pas, l’incessant
balancier des vagues a déjà presque tout effacé.
Voilà notre route, jalonnée par le reflet des soleils passés entre les festons mouvants des eaux de glace.
[photo prise le lendemain de celle-ci, presque au même endroit. Les temps changent si vite !]
11 janvier 2009 dans Espagne, gris | Lien permanent | Commentaires (17) | TrackBack (0)
Prague, le 30 décembre 2008
Il faut savoir surmonter l'austérité kafkaïenne. C'est facile quand on nous annonce la fin imminente de la crise, le début du printemps éternel, un cessez-le-feu définitif et bilatéral à Gaza, l'abandon du projet Gran Scala et l'arrivée de l'eau potable dans tous les robinets de la planète. Bon et chaud week-end!
09 janvier 2009 dans rouge, République Tchèque | Lien permanent | Commentaires (22) | TrackBack (0)
Café Franz Kafka, quartier Josefov, Prague, le 1er janvier 2009
Il est venu s’asseoir, distraitement, un journal plié sous le bras. Table bancale. Chaise en bois raidi par les ans. Son regard très noir a percé la brume qui ensemençait la rue presque déserte, par delà les carreaux embués. Où sommes-nous aujourd’hui, s’est-il interrogé à voix basse. Comment crier, se répétera-t-il un peu plus tard, avant de commander un vin chaud. Une phrase jetée par dessus son épaule : « Il existe une possibilité de bonheur parfait: croire à ce qu'il y a d'indestructible en soi et ne pas s'efforcer de l'atteindre ». Le bonheur ? J’ai connu quelqu’un qui voulait l’atteindre dans l’alcool. Il creusait des petits trous dans le sable pour déposer ses vomis entre deux rasades mélancoliques de whisky. Il se croyait lui aussi indestructible. Par la fenêtre de ce premier soir de 2009, Kafka a vu juste un peu plus grand ce désespoir individuel, insoluble dans la collectivité : "Nous creusons notre fosse de Babel". Ces paysages de tranchées, de cratères et de trous d’obus éclairent la vérité immorale de l’existence humaine : le territoire des famines est d’autant plus infini qu’il commence à l’intérieur de soi.
08 janvier 2009 dans République Tchèque, vert | Lien permanent | Commentaires (9) | TrackBack (0)
sur le Pont Charles, Prague, le 30 décembre 2008
Une petite lampe pour éclairer sa peine en toutes lettres, ce maladif soleil de minuit pile. Le chalumeau à l’encre dans sa main inconfiante, il s’est encore assis à l’atelier de ses mots. Mots à souder, mots à modeler. Ils avaient fusé tout le jour en désordre dans sa tête. Secrètes infusoires qu’à cette heure nue le silence fait enfin luire. Ce n’était rien moins que sa propre histoire qui courait devant lui dans un long couloir de brume. La regagner à la faveur d’un soupir de fatigue. La rattraper dans l’écriture, pour en saisir quelque sens, oh ! juste poser son pas, minuscule et dérisoire, dans la longue trace que le sommeil déjà viendrait brouiller. Souvent la vie prend des allures de cheval blanc, écrirait-il dans son dernier effort, un cheval blanc qui s’ébroue sous la neige. On l’entend hennir mais son cri résonne dans un espace sans contours. Quelle plume trempée dans quel alcool suivra-t-elle un jour le parcours de nos vérités ? Tous ces mots qui se sont multipliés depuis la nuit des temps, on dirait qu'ils n’ont que balisé le vide des bouches affamées.
06 janvier 2009 dans jaune, République Tchèque | Lien permanent | Commentaires (12) | TrackBack (0)
Derrière la vitre d'un palace à Prague, le 1er janvier 2009
Cette année, je serai encore moins riche. Moins riche de défaites, je n’irai pas danser la gigue guindée dans une clinique clinquante cinq étoiles où l’on passe son temps à mesurer ses bracelets-montres comme le vent soupèse le vide.
Cette année, je serai encore plus riche de fêtes aux petits bonheurs. Je laisserai la lame des soirs bleu roi me dépouiller des mauvaises graines, je ferai vœu d’herbes sèches, je prêterai mes sarments. Je trancherai le pain rond de l’amitié dans le doux crissement du levain, j’implorerai la majesté des saules jusqu’à leurs radicelles, je fouillerai la chair des pierres sous la semelle des cœurs. J’apprendrai les exclamations du grèbe esclavon et les triomphes omphaliques de la fauvette orphée. J’irai, seul au devant des tourmentes, traquer la sueur blonde et odorante de la Terre entre ses libres mamelles. Tout ça, et bien davantage, sous une vie battante, sans essuie-glace, pour goûter le soleil caché dans chaque goutte.
04 janvier 2009 dans jaune, République Tchèque | Lien permanent | Commentaires (31) | TrackBack (0)
02 janvier 2009 dans jaune, République Tchèque | Lien permanent | Commentaires (23) | TrackBack (0)
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