Besut Island, Malaisie, le 22 août 2005
Madame Nathalie Kosciusko-Morizet,
En votre qualité de responsable
des questions de l’écologie pour l’UMP, vous avez confié au quotidien
Libération du 31 mars 07 votre engagement pour, je vous cite, « écologiser
l’Union pour un Mouvement populaire ». Je me réjouis vivement de cette
perspective : l’un des grands partis français enfin dévolu à la cause
essentielle de la vie sur Terre. Vous n’ignorez pas l’immensité de la tâche qui
vous incombe. Elle relève véritablement d’une désintoxication des esprits
vis-à-vis des dogmes du productivisme et de la croissance à tout prix qui
hantent encore votre famille politique.
Enumérons ensemble les travaux auxquels doit s'atteler cet UMP écologisé : intégrer la biodiversité dans la
gestion des territoires (car vous savez que les politiques publiques de
l’équipement s’en soucient comme d’une guigne), imposer des moratoires sur les
incinérateurs des déchets ménagers, la culture des OGM de plein champ (car vous
savez que l’expérimentation sur les rats a récemment produit des conclusions
alarmantes) et les autoroutes (car vous savez qu’elles balafrent nos campagnes,
désorganisent le territoire, encouragent la voiture et fragmentent l’habitat),
confier au débat public la réflexion sur l’énergie nucléaire, encourager les
modes de transports doux et notamment le ferroutage, lancer des filières de
recherche pour une énergie propre et faciliter l’accès de celle-ci auprès des
ménages, valoriser l’agriculture biologique et de proximité aux dépens de
l’agriculture intensive (car vous savez que la France viole, entre autres, la
législation européenne en matière de rejets des nitrates), recréer les paysages
de bocage dans nos campagnes remembrées, favoriser les filières de
transformation (des déchets agricoles et forestiers par exemple, utiles pour la
fabrication de matériaux de construction), renforcer la loi sur la protection
du bord de mer en assurant notamment un financement pérenne et réévalué du
Conservatoire du littoral, sanctuariser les dernières zones humides (car vous
savez que 90 % des marais ont été comblés en moins de deux siècles et que la
loi sur l’eau est superbement contournée dans bien des cas encore), durcir la
loi montagne et stopper définitivement le grignotage de l’espace montagnard par
l’appétit expansif des stations de sports d’hiver et encourager celles-ci à
créer des zones refuges pour la faune sur leurs domaines, mettre en place une
politique urbaine orientée sur le rapprochement habitat-lieu de travail (comme
vous le savez afin de limiter le mitage des zones péri-urbaines et la
prolifération de lotissements gaspilleurs d’espace, d’énergie et de paysages)
et le logement social auto-suffisant, instituer l’enseignement de
l’environnement et de l’écologie depuis les classes primaires jusqu’à l’ENA,
restaurer le pouvoir de l’Etat sur les parcs nationaux et confisquer aux maires
le pouvoir d’interférer dans la création des arrêtés de protection de biotopes,
imposer des normes strictes d’aménagement et de préservation des trames paysagères
dans les zones d’activités (car vous avez vu ce qu’il reste des vallées
alpines, telles que celle de Chamonix et la Maurienne, transformées en
d’immenses hangars)…
Cette liste n’est évidemment pas
exhaustive, et je compte sur votre expertise, Madame Kosciuzco-Morizet, pour la compléter utilement. J’ajouterai
simplement, pour souligner le courage singulier dont vous faites preuve, que
l’actuel candidat de votre parti à la Présidence de la République n’a pas souhaité
remettre en cause la programmation Villepin de 2900 kilomètres d’autoroutes
supplémentaires, pas plus qu’il ne s’est prononcé pour un moratoire sur les OGM
ou un infléchissement de la politique agricole par exemple. Ses lacunes
environnementales ont d’ailleurs été sévèrement pointées par l’Alliance pour la
Planète. Ce collectif d’associations de protection de la Nature en France s’est autorisé à noter les intentions écologistes des différents candidats. Avec un insuffisant 8,5/20, Monsieur Nicolas Sarkozy s’est vu recalé, là où François
Bayrou et Ségolène Royal, ses rivaux principaux, ont réussi ce qu’on
pourrait appeler un examen de passage pour le 21e siècle. Ne
serait-ce qu’au regard de ces éléments-là et parce que le sort de la planète me préoccupe, vous me permettrez donc de réserver
ma voix prochaine à un autre candidat que celui que vous défendez. Je ne doute
pas un instant de votre sensibilité environnementaliste et encore moins de
votre capacité de conviction pour insuffler la nécessaire prise de conscience
et inspirer le grand sursaut à l’ensemble des dirigeants de l’UMP d’ici
à quelques années. Seule l’appropriation à bras-le-corps par votre parti des
enjeux déterminants de l’environnement permettra à la France d’amorcer enfin
cette « révolution écologique » que Jacques Chirac lui-même a appelé
de ses ultimes vœux.
En vous souhaitant bon courage
dans votre formidable entreprise de rénovation idéologique,
Vitalement vôtre.
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